CGOP Centre Généalogique de l'Orne et du Perche
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Voici l'histoire du PERCHE.
Le PERCHE existe-t-il ?
Au point de vue administratif, aujourd'hui, il est tout à fait ignoré. Sur une carte d'atlas scolaire, vous trouverez peut-être l'indication "collines du Perche".
Le Perche n'est pas assez étendu pour être une grande région naturelle. Quand on étudie la France, on le rattache soit à la Normandie, soit au sud du Bassin Parisien, soit même à la Vallée de la Loire. Et pourtant, son nom est connu de tous ceux qui le traversent et le visitent.
La notion de forêt permet d'assigner des limites géographiques au Perche. Si, à des origines très lointaines, elle le couvrait entièrement, à l'époque gallo-romaine. elle comportait dans son intérieur de nombreuses clairières : tous les lieux-dits qui se terminent en y, i, é ou ai, transmettent jusqu'à aujourd'hui les noms de grands propriétaire ; ainsi Screniacum, domaine de Screnus, est devenu Sérigny. On peut être certain que beaucoup d'autres ont pris le nom d'un saint au Moyen-Age. La forêt a certainement regagné après les invasions qui détruisirent l'Empire Romain et surtout pendant les ravages dûs aux incursions normandes du Xe siècle. Puis le défrichement a repris. Malgré cela, on voit que sur la carte les taches vertus sont fort nombreuses : forêts de Bellême, du Perche, de Réno, et bien d'autres, sans oublier une multitude du bois privés.
Actuellement, ces étendues arborescentes forment encore une ceinture presque ininterrompue au Nord et à l'Est. très facile à suivre à l'Ouest et au Sud, du moins en ce qui concerne le Grand Perche. Avant la construction de routes par les grands voyers de la monarchie, et l'aménagement des forêts pour les chasses (étoiles et layons) c'était une véritable frontière naturelle. De nos jours, elle constitue encore un contraste brutal avec tous les pays voisins , le voyageur qui arrive des plateaux découverts de Beauce ou de Basse-Normandie, des campagnes mancelles, alençonnaises ou d'Argentan est frappé de se trouver d'un coup en face d'une nature toute différente : relief' plus accidenté, descentes et montées très fréquentes sur les routes, tournants plus brusques qu'il ne paraît . beaucoup d'arbres, une multitude de haies et de nombreuses rangées de pommiers semblent laisser peu de place aux cultures , dans ce pays très vert, des toits de termes dispersées se découvrent un peu partout, avec çà et là un clocher pointu en ardoise qui règne sur un tout petit nombre de maisons. Ce n'est pas du tout une campagne, c'est un bocage.
C'est pourquoi le Perche a gardé un souvenir très vivace de son originalité. La Constituante en a mis le morceaux dans quatre départements : Orne et Eure-et Loir principalement, mais aussi Sarthe et Loir-et-Cher.
Cependant, surtout depuis le XIXe siècle, les habitants du Perche ne veulent pas se dire normands (Alain, le philosophe né à Mortagne, disait : "pas plus que Manceaux, Beaucerons et Dunois").
Il est vrai qu'alors le cheval percheron, qui avait conquis le pavé de Paris pour la traction des omnibus, et les plaines des Etats-Unis pour celle des machines agricoles, remettait le Perche à l'honneur. A tel point que beaucoup de cantons circonvoisins s'efforcèrent et réussirent à se faire admettre dans le territoire délimité de la Société hippique percheronne de France. Les habitants actuels de ces zones se disent volontiers du Perche, malgré la victoire de l'automobile sur le cheval.
DE LA PREHISTOIRE AUX INVASIONS NORMANDES
La première mention qu'on ait du vocable Perche est dans la chronique de Grégoire de Tours (Histoire ecclésiastique des Francs - fin du VIe s.) : Saltus perticus. Le sens précis de saltus est "région montueuse et boisée... retraite de bêtes fauves" (Dict. latin-français de Riemann et Goelzer). Si le nom de forêt du Perche s'est maintenu au Nord de la région, c'est peut-être qu'il partit de cet endroit précis à la de la monarchie.
C'était en tout cas, un pays plus boisé qu'aujourd'hui surtout il était bordé d'une ceinture à peu près continue, principalement sur sa frange Ouest, mais il n'était pas que forêt. On a trouvé à peu près partout des vestiges d'une occupation préhistorique. On a découvert çà et là, y compris dans des champs qui venaient d'être labourés, des silex taillés. Ce qui se voit le mieux, les monuments mégalithiques dolmens ou menhirs ne sont plus tous là ; 1'un des disparus existe encore dans le nom d'une commune, Saint-Jean-Pierre-Fixte ; mais combien d'autres ont sombré sans laisser de traces.
Les Gaulois sont arrivés probablement vers le VIe s. avant Jésus-Christ. Ils ont laissé plusieurs noms de lieux, comme Condé (confluent) ou Bellême (lieu peut-être consacré à Belisama, déesse de la lumière). Les évêchés se sont installés presque toujours sur des surfaces qui relevaient d'une même " cité" gauloise - le mot de civitas employé par César ne désigne pas une ville, mais un groupement de populations qui avaient entre elles un lien religieux, juridique et militaire. Il semblerait bien en ce cas que déjà le Perche était disloqué entre ses voisins Carnutes (Chartres), Durocasses (Dreux) et Esuviens (Séez). En plein milieu du Perche, Feings est un mot qui dans toutes les parties de la France, désigne une limite importante entre Cités.
Les Gaulois avaient un système social de grande propriété agricole où un noble (terme de César) avait sous sa dépendance de petits cultivateurs. Sous l'Empire, les nobles ont latinisé leur nom, ont ajouté le suffixe iacum pour indiquer les terres possédées. Ce iacum est devenu, dans cette région é ou ai, y ou i, à la suite du nom déformé. Ainsi Sérigny est le domaine d'un Serenus. Les limites des communes de la Révolution - anciennes paroisses - sont presque partout les mêmes que celles des villae. Villa, employé restrictivement de nos jours, voulait dire tout le domaine, ce qui entraîne aussi les noms des communes en "ville" (Bivilliers, Villevillon, Barville, Marchainville, ou Villiers). Naturellement, les noms antiques sont souvent effacés par de plus récents, particulièrement ceux de saints.
On a trouvé, de çi de là, des restes de demeures somptueuses ; la plus belle mosaïque, au musée percheron de Mortagne, vient de la Simonnerie, en Villiers-sous-Mortagne. Mont-Cacune, en Sainte-Ceronne, était une petite ville. Les voies romaines, qui rendierent le Perche plus pénétrable, ont laissé des traces importantes tantôt une route actuelle est sur leur tracé, ailleurs un chemin d'exploitation agricole, ou même une limite de commune plus rectiligne qu'il n'est usuel, car la voie avait été un bornage indiscutable.
On ne peut pas tracer un historique, même approximatif, des invasions : celle qui détruisit Mont-Cacune en 285 n'était qu'un avant-goût, et ne laissa aucun peuplement germanique après cette alerte, toutes les villes importantes s'enfermèrent dans des remparts aucune dans le Perche. Pas tellement loin de chez nous, Jublains capital des Aulerces-Diablintes, a encore les siens, en terre - mais ne fut plus une ville digne par la suite de fixer un évêque -, au contraire la ville de Cénomans, dont le nom s'est transformé en Le Mans, bien ceinte de murs en pierres, encore existants aujourd'hui, est le siège épiscopal pour tout le Maine. Dans l'Ouest de la France, aucun royaume germanique ne s'installa après la grande invasion de 406 et le lien théorique avec Rome se maintenait sous la protection de Syagrius ; la victoire de Clovis sur ce dernier à Soissons en 486 amena la domination franque.
Le Perche avait déjà été christianisé par la propagande de missionnaires, dont beaucoup étaient issus de Tours (d'où la vénération, si généralisée, à Saint-Martin, dans nos paroisses). Quelques villages fixent le nom de ces hommes dont quelques uns sont entrés dans la cohorte de saints : Langis, Bhomer, Ulphace, entre d'autres.
D'après la toponymie, il ne semble pas que les guerriers francs aient reçu beaucoup de villages dans la région, sans doute assez mal famée, du Saltus perticus. On rattache généralement une possession mérovingienne au rnot "court", soit initial, entier (Courthioust) ou abrégé (Courcerault), ou final (comme Nonancourt), il en existe un certain nombre dans le Comté. A vrai dire, les résidus linguistiques sont un indice, pas une preuve. De toute manière, la masse des habitants a continué sans grands changements, ni techniques, ni sociaux, ses activités surtout rurales.
C'est, trois siècles plus tard, que surviennent ces Danois que nous appelons Normands, détruisant les monastères (comme celui de Corbion, devenu Moutiers-au Perche, à ne pas confondre avec Corbon), pillant les récoltes, provoquant en beaucoup de lieux un vide d'habitants.
L'armée carolingienne, destinée à des actions offensives, était inefficace contre des bandes de pillards très mobiles. La défense s'organisa sur place, à l'abri de retranchements de palissades et de terre. Du souverain, qui ne protégeait plus personne, le pouvoir réel passa aux chefs locaux les plus efficaces, eux-mêmes respectant une certaine subordination à l'égard des descendants des Comtes carolingiens qui s'arrogeaient un droit héréditaire. C'est alors qu'on trouve un Comté de Corbon, peut-être résultant d'un démembrement du Comté de Hiémois (Exmes étant alors plus important que Séez).
Le Comté du Corbonnais eut sa meilleure position défensive à Mortagne. Notons également qu'en 853, le seul soldat d'envergure du moment, Robert-le-Fort, reçut de Charles-le-Chauve la charge de missus pour les Comtés du Maine, d'Anjou, de Tours, de Corbon et de Séez, puis en 866, de ducatus Francorum pour les pays d'entre Loire et Seine.
FORMATION DU COMTE DU PERCHE
En 911, à Saint-Clair-sur-Epte, Charles le Simple laisse à Rollon les territoires de l'Epte à la mer. Il y eut encore quelques attaques normandes, à la suite desquelles le successeur de Rollon reçut le reste de ce qui est la Normandie, et même le Maine (qu'on lui reprit). Mais la notion actuelle de limite territoriale n'a alors aucun sens ; ce ne sont jamais que des droits de fidélité et de protection, accompagnés de patronages sur des abbayes ou des églises, de telle sorte que chaque cession est toujours contestée - par les armes bien sûr.
Pour cette raison, il existe, au début du XIe s., une zone indécise entre un puissant duché de Normandie, un Comté de Blois qui pousse jusqu'à Chartres, un Comté du Maine étendu jusqu'à la Bretagne. Dans la zone peu pénétrable entre ces grands fiefs dans cette période où Carolingiens décadents et pré-Capétiens contestés rivalisent pour occuper le trône de Francie occidentale, la situation se présente de la façon suivante :
Orderic Vital, historien du XlIe s., est suspect sur le récit qu'il fait de l'attribution de Bellême et d'Alençon à Yves de Creil vers 945. Ce qui est sûr, c'est que, d'une façon ou de l'autre, cet Yves reçoit l'hommage des petits seigneurs de ces régions. Son frère était en même temps évêque du Mans, ce qui facilitait son emprise sur le Saosnois et son influence sur La Ferté.
Son fils Guillaume ler fait construire le château de Bellême sur le sommet de la colline (le vieux château était à mi-pente).
Il en fait construire un autre à Domfront, un troisième à Ballon, un quatrième à Exmes, vingt-huit autres entre ceux-ci. Ainsi, juste quand régnait sans gloire le second capétien, Robert le Pieux, un grand fie' tampon entre Normandie et Maine était en passe de se constituer, mais est d'abord très compromis à la veille de sa mort par l'intervention contre lui des deux voisins.
Le second de ses fils, Guillaume II (1033-1053) recevra le surnom de Talvas, "le bouclier". En fait, après des péripéties dramatiques, ce Talvas ne recouvre ses seigneuries qu'à la veille de sa mort, de la main de Guillaume le Bâtard qui sera bientôt le Conquérent.
Sera plus encore associée à la Normandie, sa fille héritière Mabile, qui épouse Roger II de Montgomery, d'Exmes. Malgré son nom (Amabilis), on la dépeint comme une sorte de furie meurtrière et empoisonneuse. Les textes qui le disent sont suspects et, en fin de compte, c'est elle qui fut assassinée en 1082.
Son aîné Robert II, fut surnommé le Diable - ne pas le confondre avec celui du château proche de Rouen. Méchant, turbulent, "une bête fauve d'une cruauté turieuse" dit un moine de Thiron, surtout un brouillon versatile. En 1097, Guillaume le Roux, duc de Normandie, lui fait organiser les défenses du Vexin, en particulier Gisors et Neauphle. Mais, sur ses propres terres, il s'occupe notamment du Saosnois, entre Alençon et Bellême, coeur fragile de toutes ses possessions. Le nom de " Fossés Robert" est encore le nom d'un chemin au nord de Marolles-les-Brault, rocade qui reliait plusieurs mottes. Celles de Perray et de Courgains (Gibet-à-la-Truie) relativement bien conservées, méritent une visite.
Après une série d'alliances et de revers, Robert le Diable finira dans une geôle anglaise et Bellême sera pris en 1114 par Henri Ier, roi d'Angleterre qui s'empressera de remettre la place à son gendre Rotrou III (1100-1144), comte du Perche.
Avec Mortagne, Bellême, Nogent, s'opère la mutation finale du Comté de Corbonnais en Comté du Perche.
Rotrou IV (1144-1191) susséda à son père.
Geoffroy V (1191-1202).
Thomas (1202-1217).
Quant aux cinq baronnies du sud, entre temps, elles sont devenues le PercheGouët : Guillaume Gouët, au temps de Mabile de Bellême, possédait Montmirail, Authon et La Bazoche (c'est par là qu'une commune s'appelle Le Gault). Il épousa lui-même Mathilde d'Alluyes, qui apportait aussi Brou. Il fallut encore plusieurs siècles pour que le Perche-Gouët eut les mêmes seigneurs que Nogent.
LE PERCHE INTEGRÉ DANS LE ROYAUME
Désormais l'histoire locale ne sera plus guère que des aspects particuliers de l'histoire nationale. Aussi, nous tiendrons-nous seulement aux épisodes de celle-ci qui touchent spécialement au Perche.
Dès la conquête du rovaume anglais en 1066, le duc normand était en titre l'égal du roi de France, bien qu'il restât son vassal théorique pour ses terres de France. En réalité, il était beaucoup plus puissant, surtout quand, progressivement, s'ajoutèrent à la Normandie le Maine, l'Anjou puis, avec Henri II Plantagenet, l'Aquitaine. Son fils Richard Coeur-de-Lion mit Philippe-Auguste en deroute, tout près du Perche, à Fréteval-sur-le-Loir. Brusque renversement : le même Philippe n'a plus en face de lui que Jean-sans-Terre. Dans les formes les plus féodales, mais avec aussi des troupes bien manoeuvrées, il confisque les fiefs du Plantagenet, ce qui fait passer le Comte du Perche, Guillaume Rotrou, à sa vassalité immédiate.
Mais celui-ci meurt sans héritier proche au début de 1226. La reine Blanche de Castille, cousine lointaine, recueille le Comté. Son époux Louis VIII va partir en croisade contre les Cathares ; il confie la garde de Bellême au duc de Bretagne, Pierre de Dreux, dit Mauclerc. Louis VIII meurt dans le midi : Blanche est chargée de la régence du jeune Louis IX.
Révolte de féodaux, dont Mauclerc. Celui-ci ayant considérablement renforcé les défenses de Bellême, s'allie au roi d'Angleterre qui débarque en Bretagne. Avant que les deux complices aient fait mouvement vers Paris, Blanche marche sur Bellême en une saison inusitée, janvier 1229, par un froid terrible. Elle fait bûcheronner ses troupes en forêt, pour chauffer le camp, surtout à cause des chevaux. Celles-ci passèrent à l'attaque de la ville, par sape et catapultes. La maîtresse tour s'étant écroulée, la garnison se rendit.
Saint-Louis ayant reçu le Comté de sa mère le donna en apanage à un de ses fils ce système, par lequel un roi donnait à un proche des honneurs et des redevances féodales, tout en conservant l'autorité réelle, dura jusqu'à la Révolution.
Nous ne nous attarderons pas sur la guerre de Cent Ans. Dans sa première partie, 1346-1356, la peste noire causa certainement plus de victimes, et, par suite, de délâbrement économique, que les armées, qui n'eurent pas à passer dans le Perche. Le pire moment est après 1422 : par suite du traité de Troyes, Henri VI d'Angleterre devient diplomatiquement roi de France ; il est âgé de dix mois seulement, mais le régent Bedfort était redoutable et la Normandie lui était d'importance capitale. Charles VII est reconnu roi par les populations des pays de la Loire. Le Perche devient une pièce maîtresse dans la stratégie. Ses places avaient d'abord repousse toutes les attaques, mais ne purent tenir après une victoire anglaise à Verneuil. Incapable de mettre garnison dans tous les châteaux, l'occupant garde seulement, en les consolidant, Longny, Mortagne, Bellême, Nogent ; il détruit les autres. Des bourgs comme Rivray, Montisambert, disparurent. Les armées de Charles VII ne reprirent le Perche qu'en 1449.
La population détestait les Godons (ceux qui disaient toujours God dem) surnommés encore les Coués (pourvus d'une queue, comme le diable).
Le siècle de paix qui suivit se caractérise par une floraison de manoirs.
Manoirs de la Lubinière et de la Vove.
Puis, opération pacifique par excellence : la révision de la coutume écrite au temps de Louis XI. C'est le code de législation civile appliqué par les tribunaux seigneuriaux et les baillis. Les juristes se rassemblèrent à cet effet dans la salle capitulaire de l'abbaye de Saint-Denis de Nogent, en 1558. Cela donna lieu à de grandes solennités. Cette coutume était plus proche de celle de Paris que de la Normandie. Elle ne s'appliquait pas au Perche-Gouët -, la sienne avait été rédigée en 1508, avec celle de Chartres, dont elle différait peu.
C'est aussi dans la première partie du XVIe s. que la royauté établit, dans une intention plus militaire qu'administrative, les gouvernements. Alors que, par la personne du Comte, le Grand Perche restait lié à Alençon, le gouvernement était de Maine et Perche (Thimerais inclus). Le Perche-Gouët se rattachait à Orléans.
Quant à la propagation de la foi évangélique, elle eut un certain succès : dans les premières années d'application de l'Edit de Nantes, Authon eut une église réformée importante et nous connaissons un certain nombre de seigneurs qui avaient leur "prêche" en un local voisin du château.
LES XVIIe et XVIlIe SIECLES
Ce n'est pas encore fini des violences entre le pouvoir et les féodaux, puisqu'il y a les soulèvements du début du règne de Louis XIII et la Fronde. Aucun grand événement d'importance nationale ici. On sait que plusieurs manoirs furent saccagés, on rapporte cet incident mortagnais : des voleurs brisent une fenêtre à l'hôtel du président du présidial ; sa femme est dans la pièce ; elle les repousse pertuisane à la main.
Au lendemain des guerres de religion, commence une série de mutations économiques et sociales. La fixité des froits féodaux, liée à l'augmentation générale des prix, est fatale à la noblesse rurale, déjà ruinée par les troubles. Ainsi, verra-t-on beaucoup de manoirs acquis, dès ce temps, par les "laboureurs" type même des paysans assez aisés pour posséder leur terre.
Autre signe des temps, l'émigration percheronne au Canada.
Robert Giffard, chirurgien de Mortagne né à Autheuil, près de Tourouvre, part pour la "Nouvelle France" vers 1620. Il revient en 1627, se marie, entre dans la Compagnie des Cent-Associés, destinée à développer la colonie, finalement repart en 1634. Pas seul : en sa compagnie, quelques mortagnais ou tourouvrains, liés avec lui par des contrats notariés qui prévoyaient la cession de bonnes surfaces de terre à défricher contre des obligations de travail. Ils réussirent. Il y eut quelques autres départs jusque vers 1665. Dans un esprit tout différent, Madeleine de la Peltrie s'en alla comme "mère des pauvres et des malades" à Québec. Si l'on s'en tient seulement au nombre des partants, il paraît minime- Mais ses incidences furent importantes si l'on en juge par le nombre des canadiens actuels qui portent les noms de ces ancêtres, et parfois viennent au vieux pays y rechercher des "cousins".
Le Perche était alors un pays "d'arts et métiers" très actif. Aujourd'hui, dépourvu des avantages favorables à l'industrie depuis un siècle et demi, il réunissait la plupart de ceux qui conditionnaient l'activité pré-industrielle. Dans le sol, beaucoup de gisements d'argile convenant à la brique, à la tuile, à la poterie grossière ; du sable, base du berre ; des poches de minerai de fer, petites fosses profondes de quelques pieds. Des forêts, bases du charbon. Des ruisseaux dont le faible volume du débit était compensé par des pentes assez rapides, d'où multiplication de moulins dont quelques-uns animaient les martinets des forges, d'autres broyant le vieux linge pour le papier. Une main d'oeuvre abondante, car la médiocrité fréquente du sol obligeait à chercher un complément- En fait, dans les villages la population pauvre partageait son temps entre la culture et le métier : les ateliers supportaient aisément les interruptions de travail pour que l'ouvrier allât aux moissons (en Beauce d'abord sur place ensuite) ou à d'autres travaux saisonniers.
Dans les villes les plus importantes, il y avait des ouvriers employés à la fabrique. Quand, dans les années de mauvaises récoltes, le pain enchérissait ou manquait, les paysans du voisinage redoutaient l'apparition des "quainmandeux de la ville" plus ou moins menaçants. Le travail salarié urbain était surtout dans le textile, en dehors des artisans du bâtiment. Le tissu le plus renommé était l'étamine, lainage ou soierie fine, propre aux vêtements ecclésiastiques et aux robes des auxiliaires de la justice. Une enquête de 1708 révèle quatre cents métiers à Nogent, chacun donnant du travail à sept personnes, tant en ville qu'à la campagne voisine.
L'importance de la production a progressé jusque vers 1760. Les autres centres sont Montmirail, Authon, Bellême, Mortagne.
Mortagne et Bellême, plus que de l'étamine, produisaient les toiles de chanvre, celui-ci cultivé sur piace ou tout près, dans le Saosnois et la Marche. Avant la Révolution, plus d'un millier de métiers étaient répandus dans les villages. Le travail fait se portait aux grossistes de la ville. Ces toiles étaient diffusées hors du Perche sous le nom de "Mortagnes" comme on disait naguère du "Tarare", du nom de la ville proche de Lyon.
Le fer était produit surtout dans la région Nord, dans des lieux oÙ le calme rural de nos jours ne peut nous faire songer au bruit des forges : Boissy-Maugis, La lande-sur-Eure, La Madeleine-Bouvet, St-Victor-de-Réno, Tourouvre, Longny. Vers 1760, la pénurie menaçante du charbon de bois inquiétait les maîtres de forges. Le célèbre Helvétius voulut ainsi en installer une nouvelle à Voré (voir à Rémalard). Les récriminations qui s'en suivirent, auprès de l'intendant d'Alençon, l'obligèrent à renoncer.
Les dernières années de la décade 1780 ont amené une crise économique et des sursauts de misère. Néanmoins, nul ne pouvait se douter, quand les trois ordres réunis à Bellême au printemps de 1789 y nommaient leurs députés aux Etats Généraux, qu'on entrait dans un tourbillon d'événements : la Révolution et l'Empire.
LES DEUX DERNIERS SIECLES
Nous ne raconterons pas la Révolution dans le Perche. Naturellement, il s'y produisit des incidents multiples : les circonstances favorisaient le déchaînement des individus au caractère violent et haineux. Mais le massacre d'un prêtre réfractaire à Bellême, les détournements de convois de vivres ou les attaques de diligences ont peu de portée générale. Sous aucune assemblée, de 1789 à 1815, on ne relève de représentants notables originaires des districts issus des deux Perche.
Signalons que la délimitation départementale projetée prévoyait le rattachement du district de Nogent à l'Orne ; c'était faire entrer dans un seul département tout le Grand Perche, et même une partie du Perche-Gouët qui relevait, jusqu'alors d'Orléans ; niais un Constituant, Giroust, avocat à Chartres, natif de Nogent, obtint par son intervention, le découpage actuel.
On doit penser que le Perche était proche des provinces insurgées pour le roi et la foi. De ce fait, le mouvement de la chouannerie y eut quelques répercussions : non dans la phase militaire, puisque l'armée vendéenne se fit écraser au Mans, mais par le soulèvement qui couvait et qui éclata à la fin de 1799, à l'occasion d'une levée de conscrits. Il fallut des opérations militaires en règle contre des bandes qui s'assemblaient plutôt en maquis qu'en armée ; les Chouans prirent cependant Bellême en janvier 1800 et en furent chassés par un régiment de 1200 hommes qui traitèrent durement la population. Peu après, Louis de Frotté, chef de la chouannerie dans l'Orne, fut saisi par traitrise en Alençon, passa une nuit sous bonne garde à Mortagne du 17 au 18 janvier et fut exécuté le soir du 18 à Verneuil, sur ordre exprès du Premier Consul Bonaparte. Le Consulat promulguait la Constitution de l'An VIII qui réunissait les districts de L'Aigle Bellême, Mortagne en un arrondissement avec cette dernière ville pour chef-lieu ; ceux de La Ferte-Bernard et Fresnay-sur-Sarthe étaient joints à Mamers, Mondoubleau à Blois, Châteauneuf-en-Thimerais à Dreux. Le district de Nogent devint arrondissement sans changement. Le nombre des cantons se trouvait également réduit. Le cadre administratif n'a guère changé depuis, mis à part un petit nombre de fusion de communes.
Pour "l'histoire événementielle" depuis ce temps, notons trois occupations : 1815, 1871 et, surtout, 1940-44. Mais, plus que les combats, en prélude a la bataille du Mans de janvier 1871, plus que les sévices allemands contre les résidents de la dernière guerre, l'effroyable hécatombe de la guerre de 14-18, sur les générations masculines des classes 91 à 18, les ruraux étant les pourvoyeurs de l'infanterie, a porté un coup plus grand que l'occupation étrangère.
L'histoire des XIX et XXe siècles est aussi attachée au phénomène de dépopulation des campagnes et de croissance des villes desservies par de bonnes voies de communication.
Il faut préciser aussi qu'à cette époque, la population "rurale" n'était pas toute agricole : les charrons, les maréchaux-ferrants, les menuisiers, les maçons, les couvreurs, les forgerons, les sabotiers, les filotiers, les tisserands, voire des fondeurs et des verriers, potiers et briquetiers, étaient tout à la fois tâcherons et cultivateurs d'un lopin plus ou moins grand.
Sources : Guide touristique du Perche et de ses confins, édité par l'Association des Amis du Perche, 3, rue des Etilleux, 61260 Ceton.
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